Un timbre de fonte géant

Yvan Hostettler est éditeur, activiste écologique mais aussi et avant tout un citoyen qui s’intéresse à sa ville, Genève. Il a importé dans la cité du bout du lac Léman l’idée, née à Berlin, des « plaques d’égout imprimées sur t-shirt », le sommet du streetwear en somme. Une initiative originale et décalée qui risque bien de faire des petits dans le monde entier. 

Roaditude – Yvan Hostettler, vous êtes un des représentants à Genève du mouvement berlinois « Raubdruckerin ». Pourriez-vous nous en parler ?
Yvan Hostettler – C’est beaucoup d’honneur. Non, je suis juste tombé par hasard sur une vitrine qui présentait des t-shirts de « Raubdruckerin » (littéralement « impression volée ») lors d’un voyage cet été à Berlin… Etant actif dans le t-shirt personnalisé – sérigraphié ou brodé – j’ai tout de suite capté l’âme de cette idée, probablement plus ancienne que ce mouvement allemand.

La plaque d’égout comme design tendance, c’est plutôt étonnant ! Comment expliquez-vous le succès rencontré par ces imprimés ?
Parce qu’il s’agit d’une empreinte de la rue, un street-tatouage que l’on place en entier ou en sélectionnant une partie intéressante ! Les t-shirts présentés à Berlin affichaient un prix de EUR 39.-, ce que j’ai trouvé très disuassif, même si les plaques d’égoût berlinoises sont graphiquement plus récentes, mais magnifiques.

Vous avez importé cette pratique à Genève, ses plaques d’égout valent donc le détour ?
Une fois de retour à Genève, j’ai scruté le sol à chacun de mes déplacements, puis ai finalement repéré une grille au look sympa, dans la rue de mon atelier ! En faisant des recherches, j’ai appris qu’elle avait été fondue au boulevard de la Cluse à la fin de 19e siècle : le premier sujet était donc tout trouvé.

Ces imprimés ne sont-ils pas, au sens strict du terme, des contrefaçons ?
Je ne crois pas qu’un droit d’auteur existe pour ces plaques finalement payées par les contribuables… Pour moi, elles sont un timbre de fonte géant qui ne demande qu’à être dupliqué ! Couler leur sujet inversé permettrait d’obtenir un motif à l’endroit une fois imprimé, comme en typographie.

Au-delà du simple aspect décoratif et streetwear, cette initiative est l’occasion pour vous de parler aussi d’autre chose, non ?
Avec l’Association Plan Vert – qui a financé l’atelier gratuit lors de « La rue est à vous » (NdR : une manifestation de quartier bien connue des Genevois) dans le quartier de la Jonction –, l’idée était de réaliser un atelier participatif où les passants impriment eux-même leur copie, sur leur vêtement en coton ou sur un t-shirt vendu à prix coûtant. Ensuite, on voulait faire prendre conscience aux gens que ces grilles sont là pour les eaux pluviales: y jeter des mégots ou des canettes d’alu vides revient à les jeter directement dans le lac ou les cours d’eau qui traversent Genève…

A Berlin, mais aussi ailleurs (comme aux USA ou au Brésil), ils ont carrément créé des plaques d’égout au design original, ce serait possible de faire ça en Suisse ?
C’est une question d’urbanisme, et je ne crois pas qu’à ce jour, la question se soit déjà posée parmi les services de voirie ou d’infrastructures. Mais peut-être que d’en parler ouvrira un concours de création ? Peut-être aussi que cela fait peur aux autorités qui ont beaucoup transpiré pour tenter de gérer les tags et les graffitis.

Cette initiative pourrait être élargie aux rues et aux routes dans tout le pays. Et donc, quelle est votre route préférée, et pourquoi ?
Il s’agit de la rue des Sources, entre les Hôpitaux Genevois et le quartier de Plainpalais : il y a là deux grilles portant l’écusson genevois, de part et d’autre d’une borne-fontaine, avec un antivol très discret – essai ou prémonition, c’est encore un mystère que je tente d’élucider.

Quelles vont être vos prochains projets ? Vous êtes aussi éditeur?
Je prépare actuellement un ouvrage sur les supports textiles destinés aux visiteurs des stations de montagne suisses des trente dernières années. J’étais un des principaux acteurs de ces campagnes en tant que graphiste et directeur artistique. De même, au printemps 2017, les SIG (NdR : Services Industriels Genevois, la compagnie locale d’eau et d’électricité) vont fêter le cinquantième anniversaire de la première « STEP » (Station d’épuration des eaux usées) installée dans le canton de Genève : un projet se met en place afin que les nombreux visiteurs puissent imprimer un sujet au choix et repartir avec leur t-shirt unique sur le dos !

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Pour en savoir plus :
Le site de Raubdruckerin
Le site de l’Association Plan Vert

(Interview : Nicolas Metzler / Crédits photo : Peter Wime – Agence 7ex)