La Route des Alpes exposée à Evian

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Il n’y avait pas foule, le samedi 9 avril dernier, à la Maison Gribaldi d’Evian, pour la première journée de l’exposition Mythique Route des Alpes – Du Léman à la Méditerranée. Nul doute cependant que le public répondra présent et profitera de cette initiative de qualité à laquelle toute une région s’est associée, et qui offre une manière intéressante de (re)découvrir une voie que d’aucuns considèrent comme « la plus belle route de montagne du monde ». Compte rendu en cinq mots-clés.

Plaisir
Dédiée à la valorisation des archives historiques et iconographiques municipales, la Maison Gribaldi, où se tient l’exposition, est considérée comme l’un des derniers vestiges du vieil Evian. Réhabilitée il y a peu, elle dispose de très beaux espaces de consultation d’archives et d’expositions, qui mettent parfaitement en valeur les objets présentés, et qui sont fort agréables à arpenter. Si l’on ajoute à cela une ville certes très calme, mais charmante, qui bénéficie de la proximité du lac, nous nous trouvons en présence d’une somme d’arguments qui fait une très bonne destination d’escapade culturelle. Nous nous y sommes rendus en bateau depuis Lausanne – la traversée fut magnifique. La Maison Gribaldi, sise derrière le Palais Lumière, est à 5 minutes du débarcadère.

Une belle traversée en bateau depuis Lausanne, pour rejoindre Evian (horaires sur le site www.cgn.ch).

Une belle traversée en bateau depuis Lausanne, pour rejoindre Evian (horaires sur le site www.cgn.ch).

Fascination
Plus de 600 kilomètres, une bonne dizaine de cols dont la moitié culminent à plus de 2000 mètres d’altitude, une succession de panoramas à couper le souffle – on sait que la Route des Alpes est un véritable monument. L’exposition nous fait revisiter ses origines, finalement pas très claires, entre projet militaire (au début du XXe siècle, l’Italie était perçue comme un ennemi potentiel), pragmatisme économique (faciliter les échanges entre vallées) et rêve touristique du Touring Club de France (à l’époque, les Anglais « créaient » les Alpes, et la révolution automobile était naissante – lire à ce sujet, La France en automobile, d’Edith Wharton, sorti fin 2015 au Mercure de France). Rapidement, la fascination nous submerge. Quel projet ! Quel courage, quelle persévérance ! Il faut imaginer les conditions de travail de ceux – souvent des militaires – qui ont bâti cette voie, et il faut se rappeler que l’emprunter, au début, constituait un véritable périple. Durant les dix premières années de son exploitation, soit jusqu’au début des années 20 (période où un balisage a été mis en place), il était d’ailleurs interdit de l’emprunter en solitaire.

Documents
Photographies, affiches, livres, paperasse, objets – c’est au niveau de la documentation que l’on attendait l’exposition au virage, si l’on peut dire. Elle ne déçoit pas à ce niveau-là, bien au contraire. Ainsi, par exemple, le 5e étage est-il entièrement consacré à la reconstitution du voyage de presse organisé en 1922 par la Compagnie de cars P.-L.M. (Paris-Lyon-Méditerranée) à l’attention d’une délégation de journalistes anglais (oui, oui, on l’a dit, ce sont les Anglais qui ont inventé les Alpes). Le voyage, qui réunit une trentaine de plumes venues d’outre-Manche, part de Nice le 27 juin. Il suivra l’entier de la Route jusqu’au rive du « lac d’Azur » (le Léman), où il se termine le 2 juillet par une grande soirée de gala dans un palace d’Evian. Un périple de 6 jours, 761 kilomètres que l’on peut revivre comme si on y était grâce aux articles du quotidien Le Littoral et au magnifiques photographies de l’agence Rol. Nous avons également été « bluffés » par les images d’archives des actualités Pathé-Gaumont présentées en fin d’exposition. Celles du Tour 57, par exemple, que l’on ne retrouve pas sur Youtube (eh non !), qui montre avec une acuité visuelle dont on ne se souvenait pas qu’elle existait à l’époque, le maillot jaune Anquetil en découdre avec Nencini, Janssens, Christian et Forestier, sur les pentes du Galibier, dans l’étape qui mène le peloton de Thonon-les-Bains à Briançon.

Une exposition particulièrement riche en documents d’époque.

Une exposition particulièrement riche en documents d’époque.

Graphisme
En fait de documents, l’exposition est également très riche en affiches originales de l’âge d’or de la Routes des Alpes, soit des années d’avant-guerre. Certaines sont fameuses, comme celle-ci de Julien Lacaze réalisée en 1930, qui sert d’ailleurs de visuel pour l’affiche de l’exposition. D’autres le sont moins, ce qui ne les empêche pas d’être superbes. L’accroche offre ainsi une balade au travers des œuvres graphiques de Louis Pastour, de Georges Arou, de Louis Tauzin ou Jean Julien, pour ne citer que ceux qui ont particulièrement retenu notre attention. Il faut relever que l’engagement promotionnel de la Compagnie P.-L.-M. a joué un rôle moteur dans le développement des arts graphiques en France dans la première moitié du XXe siècle.

On ne se lasse pas de ces affiches anciennes, au graphisme si construit.

On ne se lasse pas de ces affiches anciennes, au graphisme si construit.

Automobile
Enfin, l’exposition intéressera également tous les passionnés d’automobile, puisqu’elle présente nombre de documents sur les véhicules qui ont emprunté la route à travers le temps. Elle a notamment bénéficié de la précieuse collaboration de la Fondation Berliet, qui entretient le souvenir de la fameuse marque française de voitures et de poids lourds (rachetée par Citroën dans les années 60, puis par Renault), dont le destin est étroitement lié au développement de la Route des Alpes. Faire le trajet dans l’un de ses autocars « Torpédo » affrété par la Compagnie P.-L.-M. était un must touristique à l’époque. Un exemplaire de ce véhicule aux formes inoubliables (une baignoire ?), un modèle de 1937, roule toujours aujourd’hui du côté du col de l’Iseran. On peut le voir dans le reportage qu’a consacré à la Route des Alpes l’émission Echappées Belles – émission qui, elle, est disponible sur Youtube.

Durant la première moitié du XXe siècle, c’est l’autocar qui était le must pour faire la Route des Alpes.

Durant la première moitié du XXe siècle, c’est l’autocar qui était le must pour faire la Route des Alpes.


Exposition Mythique Route des Alpes, jusqu’au 13 novembre 2016 à la Maison Gribaldi, rue du Port, à Evian (France). Toutes les infos sur l’exposition, ainsi que sur les événements organisés en marge, sont disponibles sur le site www.evian-tourisme.com. Le catalogue, qui vaut vraiment la peine, est édité chez Somogy.

(Texte : Laurent Pittet / Photos : Marc Charmey)