Rouler loin, manger bien

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Caroline Lopez, designer culinaire, et Anthony Laguerre, photographe, sortent aux éditions Alternatives un livre original et sympathique, Cuisin’situ, fruit de leur voyage autour du monde en vélo, de leur passion commune pour la cuisine et de leur volonté de partager leurs connaissances et leurs découvertes. 

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Roaditude – Caroline Lopez, votre livre Cuisin’situ mêle récit de voyage, recettes de cuisine gourmandes et petits trucs de globe-trotters. Faire le tour du monde à vélo, camper et manger quand même un tantinet raffiné, ce n’est donc pas incompatible ?
Caroline Lopez – Non, ce n’est pas incompatible, et le but même de ce livre est de le prouver ! Selon moi, pour bien se nourrir en voyage, l’important est d’être bien préparés, bien équipés. D’ailleurs, le premier tiers de cet ouvrage est dédié à la question du choix du matériel et des ingrédients de base. C’est à partir du moment où l’on dispose d’une « batterie-popote » robuste et polyvalente que l’on va pouvoir rendre possibles une multitude d’aventures culinaires. Avec les bons outils, le travail est facilité. Un peu comme à la maison, en fait !

Vous parlez de « cuisine sauvage » dans votre ouvrage, en quoi cela consiste-t-il ?
L’environnement naturel occupe une grande place dans les recettes que je propose. Le nom du projet a d’ailleurs été construit selon cette idée : in situ est une locution latine qui signifie « sur place, dans son milieu naturel ». Il m’est apparu essentiel de valoriser le potentiel naturel qui s’offre au globe-trotter. Infini et sans cesse changeant, l’environnement peut s’avérer d’une aide précieuse dans notre alimentation quotidienne. J’ai souhaité développer des méthodes et des recettes s’appuyant sur ces ressources naturelles. Par exemple, ce livre vous montre comment fabriquer une crème glacée dans la neige ou cuire du poisson dans les sources chaudes !

Vous faites des merveilles en vous débrouillant avec les moyens du bord, avec une batterie de cuisine minimaliste et une vraie économie d’ingrédients. En effet vous n’en utilisez pas plus de quatre par plat. Cuisin’situ est donc aussi un manuel de do it yourself et de créativité ?
Exactement ! J’aime parler de « guide de recettes ». Ce qui m’a semblé important dans ce projet, c’est de proposer avant tout des méthodes, une nouvelle manière de voir les choses. Par exemple, je montre comment il peut être judicieux de remplacer le beurre par de l’avocat ou comment il est possible de réaliser une tarte à la poêle… Au final la recette compte peu : que l’on fasse la tarte aux pommes, aux fraises ou aux épinards, cela ne change rien. L’essentiel est de voir qu’il est possible et très simple de préparer une tarte en camping !

Pendant votre périple, vous vous êtes lancé des défis étonnants, comme celui de concocter une crème glacée dans l’Himalaya… Vu le froid qui règne à cette altitude, il faut être très motivé ! Est-ce que ces défis culinaires étaient planifiés ou avez-vous cuisiné de manière spontanée ?
Pour l’approvisionnement en ingrédients, oui c’était effectivement planifié. On ne pouvait pas se lancer en plein désert sans avoir de quoi y faire nos gnocchis ! De la même manière, dans l’Himalaya, nous avons entamé l’ascension avec tout le nécessaire dans nos sacs. Par contre, pour le lieu précis de la réalisation des défis, c’était plus aléatoire : certains facteurs tels que la météo, l’heure, la beauté du cadre ou de la lumière décidaient souvent pour nous !

Les photographies qui illustrent votre voyage et vos recettes sont extrêmement soignées et esthétiques, dignes des meilleurs clichés food porn. Vous aviez donc dès le départ à l’esprit le projet de faire un livre sur votre voyage ?
Cuisin’situ était au départ un blog que j’ai alimenté au fur et à mesure de la progression du voyage et de mes expérimentations. Dès le départ, nous avons fait en sorte de soigner autant que possible les photos pour les articles du blog. Et puis, durant l’aventure, le projet a plu aux éditions Alternatives. C’est comme ça que le livre est né !

Quelle fut, pendant ce voyage quasiment conceptuel, votre expérimentation culinaire jointe à celle d’un lieu la plus marquante ? Le mariage parfait qui a conféré à l’expérience une saveur particulière ?
J’ai adoré réaliser les « onsen tamago » (littéralement « oeuf des sources »). C’est une recette traditionnelle japonaise qui consiste à cuire des oeufs dans une source chaude à une température avoisinant les 65°C. A cette température, le blanc prend une texture aérienne et le jaune, un crémeux inimitable. Nous avons réalisé cette recette sur l’ile d’Hokkaido au Japon après une nuit de camping sauvage tout près d’un lac bouillonnant dont la température en profondeur peut atteindre les 130°C ! Nous avions mis notre réveil à 4h du matin pour être les premiers sur ses rives. Nous avons mangé ces oeufs au petit déjeuner, baignés d’une extraordinaire brume matinale. C’est un souvenir inoubliable !

Votre route de cœur, ici ou ailleurs ?
Les chemins au travers des forêts de cocotiers en Thaïlande ! Très peu fréquentés, et à l’abri du soleil, il est merveilleux d’y rouler à vélo. En plus, il n’est pas rare de trouver des noix de coco tout juste tombées sur le bord de la route et qui ne demandent qu’à être dévorées !

Pensez-vous rédiger une suite à Cuisin’situ ? Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Pas de suite à proprement parler, bien que nous ayons déjà en tête quelques idées ! On en reparle très vite, d’accord ?

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Caroline Lopez & Anthony Laguerre, Cuisin’situ, Ed. Gallimard, Coll. Alternatives, Paris, 2016.

(Interview: Nicolas Metzler / Crédits photo: Anthony Laguerre)