Maxime Crozet, photographe des routes et des confins

Attiré par les frontières, les déplacements consentis ou forcés, le photographe voyageur Maxime Crozet décline ses années d’errances par voies terrestres de continent en continent, dans une œuvre à échelle humaine. Il expose jusqu’à la fin du mois de mars à la Maison du Passementier à Saint-Jean-Bonnefonds, dans le département de la Loire.

Roaditude - Technicien audiovisuel au départ, c’est par le voyage que vous êtes passé à la photographie ?

Maxime Crozet - Je suis passé à la photo par le voyage. Dans les années 2000, j’ai tout quitté pour un long road trip autour du monde, qui a duré deux ans. J’ai cherché un moyen de partager ces expériences de voyage. Au départ je m’intéressais plus à l’écriture, aux récits de voyageurs tels que Nicolas Bouvier, Jack Kerouac. Ma passion pour la photographie a pris le dessus. Aujourd’hui, c’est la première raison de mes voyages.  

Comment vous déplacez-vous ?

Je m’efforce d’utiliser les moyens de transport locaux. Au début, je faisais beaucoup d’auto-stop, puis j’ai emprunté trains, bus, vélos, tous les transports possibles. Je mets de l’importance à coller à cette mythologie de la route portée par la littérature, la musique, qui ont toujours été des moteurs pour moi.

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Qu’est-ce qui attire votre regard ?

J’aime partager mes impressions mais surtout apporter un témoignage. Mon travail est porté sur l’humain, ce sont des reportages sur les populations de régions enclavées, avec la route pour ligne conductrice. Mes voyages se déroulent par voie terrestre parce qu’il est important de voir les choses, les paysages, les peuples changer progressivement. Il n’y a pas ce changement brutal qu’on peut avoir en prenant l’avion.  

Par là, c’est aussi les notions de frontières, d’identité qui vous intéressent ?

Les frontières et l’errance : par exemple, tout au long de mon périple vers l’Extrême Orient, j’interroge la notion de limites entre l’Asie et l’Europe. Les origines des frontières sont mal définies. Sont-elles physiques, politiques, identitaires ? J’aime l’idée de voyager à travers les continents en oubliant sur lequel on est, aller dans les endroits oubliés, dont on parle assez peu, ces régions, comme le Kosovo par exemple dont l’indépendance n’est pas officiellement reconnue. Je me suis également rendu au Xinjiang, en Chine, théâtre de l’oppression des Ouighours, ou au Kurdistan, dans la zone frontalière entre Iran et Irak. Ces régions sont synonymes, à raison, de guerre, d’oppression dans l’esprit collectif, mais on les connaît en réalité assez peu. 

Dans votre travail, la route n’est pas qu’un axe ou une voie, c’est aussi une frontière, un point de passage, un point de fuite ?

D’après moi, la route est un lien, elle permet de relier les hommes. La majorité des populations d’Asie centrale que j’ai côtoyées sont sédentaires ou semi-nomades. Je suis très absorbé par les bords de route, c’est une attirance difficile à expliquer, une sorte d’appel de l’inconnu. Je ne me considère pas du tout comme un reporter, mes rencontres sont dues au hasard, à mon attirance pour les grands espaces et les modes de transport. La route a aussi cette forme graphique de perspective qui est intéressante. Elle est présente sur la photo utilisée sur l’affiche de l’exposition, que j’ai prise en Chine. C’est une image qui me fait toujours penser au travail de Raymond Depardon. La route est un lieu singulier et duplicable à la fois.  

Quelle part de votre travail retrouve-t-on dans cette exposition ?

C’est une sélection de 36 images collectées depuis 2007 au gré de mes voyages en Irak, en Mauritanie (où j’ai beaucoup pris le bus)… il y a une partie consacré aux États-Unis. J’y suis allé simplement pour la mythologie des bagnoles et de leur sens unique du détail, pour les paysages des grands espaces, tous ces lieux, ces personnages emblématiques qui peuplent toujours les routes. Et ces détails indélébiles qu’on retrouve à chaque étape, telle que la bible dans le tiroir de la table de nuit, dans les chambres d’hôtel. Je les perçois comme les détails d’une mythologie commune. Certains sont d’ordre plus personnel, intimes. Ce n’est pas facile de leur coller des mots. Disons que la somme de ces images représente mes paysages routiers, ma route. Ils indiquent que je suis, que nous sommes tous de passage, et que ce monde que nous partageons, nous ne l’habitons pas de manière permanente.


Pour en savoir plus sur Maxime Crozet, vous avez la possibilité de visiter son site Internet.

Exposition Roadscapes jusqu’au 25 mars 2022 à la Maison du Passementier à Saint-Jean-Bonnefonds. Infos pratiques en ligne.

(Interview : Nicolas Bogaerts, Clarens, Suisse / Crédits : Maxime Crozet)